Je lui ai demandé un jour s’il savait qu’il y avait un Cottenier le fou dans la « bande de Jan de Lichte ». Bien sûr qu’il le savait. Tout comme il ne lui avait pas échappé que le personnage de Boon n’était pas le plus brillant de la bande. Jo Cottenier, monument du PTB, est décédé et, curieusement, je me souviens maintenant de son sourire généreux si caractéristique, qui secouait d’abord le ventre pour finir sur une bonne note.
J’ai fait la connaissance de Jo lorsque je travaillais à la rédaction de Solidair, il y a bien longtemps. Au cours de ma première semaine, il m’a emmené à l’une des audiences du procès Clabecq – le hashtag #justicedeclasse n’avait pas encore été inventé. L’une de mes missions ce jour-là : saisir une réaction de Roberto d’Orazio. Sur les marches du Palais de Justice, j’ai sorti de mon sac à dos mon meilleur français scolaire.
Cela a suffi pour lire mes questions préparées à l’avance, mais c’était indéniablement insuffisant pour saisir pleinement les réponses du leader syndical. Jo, qui se tenait à côté de moi, a fait semblant de ne pas s’en apercevoir. Mais plus tard, alors que nous retournons vers la maison du parti, il me tend une feuille A4 : il a « rapidement » noté les réponses de d’Orazio. Je l’ai remercié. Il répond : « Tous les débuts sont difficiles ».
Tous les débuts sont difficiles : cette idée n’a pas dû être étrangère à Jo Cottenier. Vous pouvez lire comment il a consacré sa vie à la classe ouvrière et à son parti dans l’in memoriam de Peter Mertens. On sait moins que Jo a également été le premier rédacteur en chef de Solidair, ou du moins de son prédécesseur.
En effet, en 1970, au lendemain de la grève des mineurs du Limbourg, les garçons et les filles du Pouvoir Minier ont fondé non seulement un parti en devenir, mais aussi un magazine. Ce magazine coûtait 5 francs (« 100 francs pour un abonnement »), paraissait toutes les trois semaines et, pour ne pas compliquer les choses, portait tout simplement le même nom que le parti en cours : « AMADA ». La couverture du premier numéro représente une caricature d’un politicien bourgeois pliant les mains, s’agenouillant et appelant le peuple à voter pour lui (légende : « Je vous promets tout »).
C’était aussi le travail de Jo, qui combinait le style du rédacteur en chef avec celui du dessinateur et du metteur en page. « Notre base d’opération était une ancienne boucherie dans la rue Van Pelt à Anvers », raconte-t-il dans un numéro publié à l’occasion du quarantième anniversaire de Solidair. « Nous commencions à travailler sur une nouvelle gazette lorsque nous avions suffisamment de matériel. Parfois, nous travaillions jusqu’au matin.
Au cours de mes propres années à Solidair, il m’est arrivé d’éplucher les articles de Jo. Sur le papier, il balançait un peu moins que dans ses milliers de formations. Cela n’avait guère d’importance, car ce qu’il avait à dire en avait toujours. Économie, syndicalisme, Palestine, climat, géopolitique, Chine, hydrogène, intelligence artificielle : rares sont les sujets qu’il n’a pas abordés.
Je me souviens de ses longs articles réfléchis sur la crise bancaire. À l’époque, si Paul Goossens appelait Solidair « le sel sur les pommes de terre », c’était en partie à cause de ces analyses. Jo ne ressemblait pas seulement un peu à Marx dans les dernières années de sa vie, il connaissait aussi « son » Marx et savait comment l’appliquer au monde d’aujourd’hui.
J’ai rarement rencontré quelqu’un qui maîtrisait aussi bien ses dossiers. Cela imposait le respect. Un jour, nous avons interviewé ensemble Gilbert De Swert à propos de son livre « Het pensioenenspook », qui venait alors d’être publié. Gilbert De Swert était le Jo Cottenier de l’ACV : chef du service des études, l’un des cerveaux dans les coulisses, vétéran de nombreuses guerres.
J’avais lu son « Fantôme de la retraite » en préparation de l’entretien. Jo avait fait de même. De même que De Swert, ses deux livres précédents, ses articles d’opinion de ces dernières années, ses contributions au Guide de la société et, sans aucun doute, les articles pertinents de son doctorat.
‘Le temps travaille pour nous’. C’est le titre de l’un des deux livres qu’il a publiés par l’éditeur EPO – il l’a coécrit avec Kris Hertogen. J’ai toujours trouvé ce titre génial, et ce n’est pas parce qu’on y entend un écho des Stones. Il en dit peut-être aussi long sur l’attitude de Jo dans la vie : le communiste était un optimiste.
Nous ne t’oublierons pas, Jo. Courage à ta famille et à tes amis.
Thomas Blommaert
Source: Facebook.